Défendre les animaux, c’est défendre la vie.

PLAIDOYER POUR NOS AMIES LES BÊTES

« Hommes, soyez humains » (Voltaire)

 

La façon dont nous traitons les animaux – exactement comme des nazis —donne une clef pour comprendre le malheur des hommes: Ce que nous sommes capable de faire sans remord aux animaux, nous le ferons bientôt à des hommes, ravalés au rang d’animal.

Le lien est intime entre le malheur et l’abus de pouvoir, tendance profonde mais pas irrésistible, je l’espère. La solution institutionnelle me semble évidente, malgré qu’elle soit encore balbutiante (largement détournée par les voleurs de pouvoir), faute d’une vigilance suffisante des futures victimes : ça n’est pas aux hommes au pouvoir d’écrire les règles du pouvoir. Une bonne Constitution, en plus de protéger les animaux des humains contre les abus de pouvoir, protègerait peut-être aussi les autres animaux, plus faibles mais pas moins dignes de respect.

Leonard de Vinci, je crois, prédisait déjà qu’un jour, on considèrerait comme une barbarie inacceptable le fait de manger les animaux.

« Tant qu’il y aura des abattoirs, il y aura des champs de bataille ». Léon Tolstoï.

 Merci à Bellaciao de m’avoir donné ce coup sur la tête.

LE RESPECT DE LA VIE.

Notre époque paraît animée d’un vaste mouvement de sympathie envers les animaux ou, tout au moins, de certains d’entre eux.

Il est grand temps, en effet, que l’homme considère enfin la vie comme un bien universel ne lui appartenant nullement en propre, mais au contraire, que la domination de la faune et de la flore lui implique des devoirs impératifs. L’homme doit rompre avec l’instinct de la seule préservation de son espèce pour respecter la vie sous toutes ses formes puisque sa vie propre est intimement solidaire de l’élan vital l’environnant de toutes parts.

C’est dans tous nos actes qu’il nous appartient donc d’en témoigner. Trop d’êtres se refusent à méditer sur ce fait essentiel parce que, même s’ils éprouvent parfois un sentiment de pitié envers les animaux, ils demeurent incapables de lui accorder une place dans l’éthique de leur vie. La lacune considérable de la morale occidentale est de n’avoir dicté des devoirs à l’homme que sur ses rapports avec son prochain. En effet, le christianisme (et la société occidentale qui en est issue) s’est révélé incapable d’inscrire dans ses dogmes le respect des créatures animales, éthique pourtant implicitement présente dans l’esprit évangélique puisque François d’Assise y puisa l’amour qu’il portait à la Nature et aux animaux « ses frères ».

Lorsque l’homme est enfin, touché par le respect de la vie, il ne se résigne plus à détruire d’autres vies que par une nécessité absolue à laquelle il ne peut se soustraire : jamais il n’y consent intérieurement. Il importe donc que notre attitude envers le règne animal soit réformée, faute de quoi l’intelligence humaine n’aurait aucune portée morale et laisserait l’homme incapable d’élever sa conscience au-dessus de l’instinct bestial de la seule défense de son espèce.

En devenant maître absolu du milieu extérieur (tout au moins dans ses possibilités de destruction), l’homme s’est rendu responsable de la destinée de la biosphère ; il lui revient donc le devoir d’établir la paix avec les animaux qu’il persécute impitoyablement, au même titre qu’il doit mettre tous ses efforts à faire régner la paix dans l’espèce humaine. Vouloir l’un sans l’autre démontrerait un égoïsme inconciliable avec les prétendus mouvements de sympathie envers les animaux et une totale incapacité d’élever notre sentiment moral vers les moeurs simples et inoffensives que réclamaient, il y a vingt-cinq siècles, Pythagore et Platon pour mériter l’avènement à une ère meilleure.

Il est en effet impossible de se montrer brutal envers les animaux et d’être ensuite bienveillant pour les hommes. Tous ceux qui se donnent la peine d’apprivoiser et de dresser des animaux, sont surpris de constater, chez un grand nombre d’entre eux, la présence d’un intellect souvent très proche de celui de nos jeunes enfants ; il ne manque souvent que la parole aux animaux domestiqués de l’homme.

Quant aux bêtes travaillant pour nous et dont les énergies et les produits sont utilisés à notre profit, elles doivent être traitées avec un minimum de reconnaissance comme c’est la coutume dans une grande partie de l’Orient. Il est absolument machiavélique de se servir du produit des animaux domestiques et de favoriser la reproduction du gibier d’élevage pour ensuite les assassiner délibérément pour satisfaire nos appétits ou notre plaisir de la chasse.

On comprend mal comment on peut à la fois entreprendre des campagnes de préservation d’espèces en voie de disparition et autoriser la destruction d’espèces inoffensives plus courantes ; si la morale justifie le meurtre des formes de vie courantes, on comprend que les guerres anéantissant des générations de jeunes hommes trouvent encore leur raison d’être en nos jours de surpopulation…

Si nous sommes véritablement l’animal supérieur entre tous et si, selon le mot de Pascal « L’homme passe infiniment l’homme », il est grand temps qu’il en donne la preuve autrement qu’en affirmant l’ancestrale loi de la jungle en raison d’une intelligence trop souvent utilisée pour la domination inconsidérée de la Nature et l’exploitation éhontée de vies sacrifiées abusivement à nos fins personnelles.

LA DOULEUR QUI SE TAIT N’EN EST QUE PLUS FUNESTE (Racine).

Notre attitude à la fois la plus paradoxale et la plus barbare est, sans nulle doute, celle que, bon gré, mal gré, nous observons à l’égard des bêtes cruellement qualifiées « de boucherie ».

La conscience, dont la science la plus moderne reconnaît indéniablement la présence, à des degrés plus ou moins élevés, dans toutes les formes de vie, permet aux animaux traînés dans les abattoirs d’éprouver une angoisse tragique devant le meurtre systématique perpétré sur elles ; d’autant que l’animal, interdit devant la cruauté humaine déployée envers lui, n’a même pas le soulagement de l’étincelle de l’espoir, suprême consolation devant la mort[3]. L’anesthésie imposée pour les tuer « sans douleur » ne dégage d’ailleurs nullement notre responsabilité ; dirait-on qu’un assassin ayant préalablement chloroformé sa victime aurait pour autant atténué la réalité de son crime ? C’est l’acte perpétré avec préméditation qui engage et les moyens « humanitaires » que l’homme vampire emploie pour soulager la souffrance animale ne font que mettre lâchement sa conscience à l’abri d’une responsabilité inéluctable.

La réforme capitale à réaliser consiste donc, selon ce que Tolstoï appelait « Le premier pas vers un monde meilleur », à renoncer à l’alimentation sanglante.

On oublie trop souvent que l’homme, comme le singe, est un frugivore, et non un carnivore, ou un omnivore comme on a tendance à le croire. Les hygiénistes, les physiologistes et les anatomistes reconnaissent que les fruits, les graines et les légumes constituent l’alimentation naturelle de l’homme, lequel, très probablement, ne devint carnivore qu’après avoir déserté ses habitats sylvestres ou, selon le grand philosophe Jean-Antoine Gleizes[4] à la suite d’un cataclysme (déluge ou période glaciaire) qui, engendrant la famine, conduisit l’Adam arboricole au carnivorisme (le véritable fruit défendu), de par son exil du Jardin d’Eden qu’était la zone forestière où il puisait sa nourriture.

L’HOMME CREUSE SA TOMBE AVEC SES DENTS (Sénèque).

Si le propos moral ne retient pas l’attention de nombre d’entre nous, celui de la santé éveille infiniment plus l’intérêt, car nombre de diététiciens estiment que la consommation de la viande est cause d’un grand nombre de maladies, les toxines constituant de véritables poisons s’infiltrant dans l’organisme et y jouant un rôle important dans le développement de certains cancers, maladie rarissime chez les végétariens et fréquente chez les carnivores en proportion de leur consommation cadavérique. .

Les Occidentaux, amenés depuis à peine un siècle à une alimentation abusivement chargée de viandes, n’imaginent plus que l’on puisse vivre en s’en abstenant, oubliant que, de nos jours encore, des centaines de millions d’Orientaux sont d’absolus végétariens pour des raisons tout autres que celle de la malnutrition ; à ce propos, il est intéressant d’observer que les organismes internationaux d’aide aux pays sous-développés considèrent que l’urgence alimentaire des populations affamées réclame des secours en céréales et en lait, non en viande, celle-ci étant un aliment carencé présentant de grandes difficultés de conservation et d’un prix de revient fort élevé.

De tous temps, de nombreux championnats furent remportés par des athlètes non carnivores malgré la minorité qu’ils représentaient dans le milieu sportif.

Rappelons encore que les explorateurs européens restèrent longtemps médusés devant la longévité et les extraordinaires endurances physiques des Hounzas, vivant dans une vallée de l’Himalaya au nord du Cachemire. Ce petit peuple agricole sans maladies, où les centenaires sont plus nombreux qu’en aucun autre pays, doit sa surprenante vitalité à un mode de vie naturiste absent de consommation carnée, d’alcool et de tabac.

L’homme moderne attendra donc, pour réformer ses moeurs alimentaires, que la médecine affirme publiquement que la consommation de la viande lui est aussi néfaste que celle de l’alcool et du tabac dont on ne cesse de confirmer les désastres…

Pourtant, n’est-il pas surprenant que l’homme, habituellement si prétentieux, ne soit pas choqué de se trouver associé, de par sa consommation de chairs cadavériques, aux animaux envers lesquels il éprouve généralement de la répulsion : hyènes, chacals, vautours et rapaces divers ? Cependant, la cruauté naturelle de ces bêtes ne supporte pas la comparaison avec celle de l’être conscient sélectionnant ses proies et les préparant avec raffinement pour son estomac, cimetière sans lendemain.

Malgré toutes les raisons d’ordre moral et prophylactiques, il n’empêche qu’on reste interdit devant l’adversité rencontrée par le végétarisme.

Les oppositions sont d’autant plus farouches que les efforts exigés pour l’abandon de l’alimentation sanglante sont parfois difficiles en raison des habitudes ancestrales. Certains détracteurs plastronnent que le végétarisme n’est pas sérieux, le « sérieux » consistant sans doute à suivre les sentiers battus de la norme, même si ceux-ci ne mènent nulle part…

Nous allons tenter d’analyser les arguments anti-végétariens.

IL EST DIFFICILE DE DISCUTER AVEC LE VENTRE, CAR IL N’A PAS D’OREILLES (Caton l’Ancien).

 

Certains détracteurs font observer que si la vie sensible se trouve aussi bien dans le règne végétal que dans le règne animal, il y a autant de tort causé par la consommation végétarienne.

Sur ce point, l’opinion du grand savant hindou Sir Jagadish C. Bose est lumineuse : « Est-il possible d’être aussi superficiel ! Entre toutes les formes « de vie, minérales, végétales, animaleset humaines, il n’y a que des différences « de degré et non de nature. Mais la distancequi sépare la vie et la sensibilité « végétale de celle des animaux est immense.Il y a beaucoupmoins de « différence entre les animaux et les hommes qu’entreles animaux et les plantes « avec l’argumentdes mangeurs de viande on arriverait facilement à « excuser l’anthropophagie ».

Ce sont précisément ces nuances d’évolution des formes de la vie, exigeant de nous des égards appropriés, qui autorisaient certaines communautés, comme les Marcionites et, plus tard, les Cathares, à pratiquer un « demi-végétarisme » en mangeant du poisson.

Un autre argument consiste à accuser les pratiquants de l’alimentation non-carnée de porter des chaussures en cuir.

Le cuir est un sous-produit de la boucherie ; on pourrait tout aussi bien utiliser des peaux d’animaux morts dans des conditions plus naturelles. Autrefois on se vêtait de peaux de bêtes, mais les vêtements modernes sont fabriqués à partir de moyens moins primitifs, depuis l’inoffensive utilisation de la laine et du coton jusqu’à la vulgarisation de plus en plus importante d’objets fabriqués à partir de fibres synthétiques telles que nylon, tergal, etc. Devant l’industrie croissante des matières plastiques, l’usage du cuir reculera. Le jour où le marché offrira des articles, actuellement fabriqués en cuir, confectionnés avec de nouvelles matières premières, la logique imposera de les utiliser au même titre qu’il est aisé, de nos jours, de se procurer des aliments remplaçant avantageusement la viande .

Les femmes portant des fourrures animales doivent s’abstenir du port de peaux arrachées à des bêtes inoffensives tuées dans des conditions souvent atrocement brutales. Leur conscience y gagnerait ce que l’élégance féminine perdrait dans un choix reporté sur des fourrures artificielles.

Une reconversion des professions s’imposera petit à petit comme nombre de viticulteurs s’adonnent déjà à la vente de produits non alcoolisés. Il est bien évident que ce n’est pas du jour au lendemain et sans sacrifices qu’une société peut abandonner le carnivorisme, sans devoir reconsidérer les problèmes variés découlant d’une telle réforme, mais, lorsqu’on considère les efforts dont se révèlent capables les nations pour préparer la guerre, on s’étonne qu’un peuple, dit civilisé, ne trouve en son sein davantage de bonnes volontés et de science pour accéder vers un ordre humain compatible avec des inspirations plus élevées, prometteuses d’une véritable et durable Paix dont l’abandon du meurtre alimentaire constitue le premier véritable pas vers l’âge d’or de l’humanité prophétiquement annoncé par Isaïe : « On ne fera plus de mal ni de ravages sur toute ma montagne sainte ».

L’économie, résultat du produit des « bêtes de boucherie », constitue une telle puissance qu’il faudra bien des luttes et peut-être des siècles pour abolir nos moeurs sanguinaires actuelles. Entre les guerres serviles atteignant leur apogée avec la célèbre révolte de Spartacus et la Proclamation des Droits de l’Homme, combien de siècles se sont écoulés pour que l’esclavage soit aboli ? Il n’y a pas deux siècles que le statut d’homme était encore refusé aux esclaves noirs traités comme de vulgaires bêtes de somme. Mais nos amies les bêtes n’ont pas d’autres moyens de se révolter que de lancer désespérément leurs cris de plaintes et de souffrances vers des consciences obscurément sourdes à leurs appels. Leur libération résultera de l’écho de pitié que leur fleuve de sang finira bien par éveiller un jour dans le coeur des hommes.

Si une majorité ne peut s’affranchir délibérément du carnivorisme entraînant le maintien barbare des industries de la mort que sont les abattoirs, tout homme intelligent doit, en tout cas, prendre conscience de sa complicité morale dans le meurtre perpétré par la demande du consommateur carnivore.

La mutation du stade de l’homme actuel à celui de l’homme conscient s’effectuera par des nécessités inattendues. Il ne serait pas surprenant que le problème de la faim, dû à l’extension démographique mondiale, trouve sa solution dans la mise en valeur de terres nouvelles par l’agriculture biologique, car, on ignore trop souvent que le rapport de rentabilité d’une terre de culture est de DIX A CENT FOIS supérieur en poids à celui d’une terre d’élevage de bêtes destinées à la boucherie.

UNE DES BASES FONDAMENTALES DE PROGRES INDIVIDUEL

Sur le plan des facultés humaines les plus nobles, les sages de l’Antiquité savaient déjà que l’alimentation non-carnée exerce une influence particulièrement sensible sur la pensée.

L’histoire nous donne l’exemple d’une pléiade de géants intellectuels s’étant mis en devoir de pratiquer le végétarisme, depuis le Bouddha et la tradition bouddhique, Pythagore et ses disciples, saint Jean Chrysostome, Platon, Sénèque, Plutarque et combien d’autres, jusqu’à Wagner, Tolstoï et Maeterlinck en passant par le génial Léonard de Vinci et Pascal, pour n’en citer que les plus marquants.

Après que Platon eut déclaré que la consommation de la viande est cause de maladies et de guerres (République), pour le philosophe du XIXe siècle, J.A. Gleizes, l’alimentation sanguinaire représentait une des principales causes des nombreuses formes du Mal répandu sur la Terre.

Il est, en tous cas, certain qu’une civilisation qui, abritée par une philosophie religieuse ou une idéologie matérialiste, qui lui donne bonne conscience, continue délibérément à assassiner industriellement des animaux pour les exposer ensuite horriblement tronçonnés aux regards d’un public carnivore, se révèle également prête à voir rééditer les actes d’atrocités que la dernière guerre mondiale nous a si douloureusement exposés.

Pourrait-on mieux conclure, qu’en citant l’opinion du plus grand pacifiste moderne, le Mahatma Ghandi, propagateur militant de l’ahimsa indienne (la non-violence) qui, par une attitude sans précédent, obtint la libération pacifique de son pays : « Les gens qui se disent pacifistes et amis des animaux et qui mangent de la viande sont des farceurs ».

Aimer les animaux ne consiste pas à en caresser certains pour en faire égorger d’autres dans l’ombre.

Bien que les circonstances de notre longue et laborieuse évolution, nous contraignirent jadis à adopter des pratiques carnassières, la vie de l’anthropoïde humain ne dépend plus aucunement du maintien d’une nourriture funeste qui, pour s’être imposée autrefois, ne saurait absolument plus répondre à la raison quand elle contrarie la dignité humaine, aujourd’hui aussi impérieusement nécessaire à la survie de l’homme que la chair des animaux le lui devint en d’autres temps depuis longtemps révolus.

Source: Paul Jouveau du Breuil